Chapitre 1
Aquilas est aujourd’hui âgé de 15 ans. C’est un jeune homme aux longs cheveux noirs. Son regard est aussi clair que sa coiffure est sombre, d’un bleu de ciel très pur. Son teint de peau est mat. Du haut de son mètre soixante, il peut sembler menu mais l’épaule droite que laisse apparaître son exomide dévoile une musculature affutée, résultat de son difficile entrainement quotidien. Le cintrage très prononcé de son vêtement confirme cela par le tracé tendu des plis qui sculpte ses abdominaux.
Il n’a pas toujours été ainsi. Son destin ne laissait pas présager sa position actuelle. Il est en effet fils d’esclave et fruit d’amour ancillaire. Sa mère est morte en couche et il a donc été traité dès sa naissance comme une simple marchandise. Dés qu’il a eu l’âge de travailler, Anecte, son propre père ,l’ a mis à contribution et soumis aux mœurs aujourd’hui interdites de l’époque. Sa santé fébrile et son corps chétif n’ont pas amélioré sa situation, chaque problème ou accident le soumettant à de plus vives réprimandes et de plus viles châtiments.
Hermias , son maître, l’a convoqué en cette veille des Schirophories. Cette fête se déroule à Athènes le 12 de ce mois de Scirophorion qui marque le début de l’été. Il ne connaît pas la raison de ce rendez-vous et se demande si cela a un lien avec les festivités du lendemain en l’honneur de la déesse qu’il défend. Il sait en tout cas qu’un délicieux repas l’attend car le lieu de rencontre n’est autre que la meilleure table de l’Agora. Impatient aussi bien au niveau papillaire qu’au niveau intellectuel, il redouble donc le pas pour s’y rendre.
Sa vie de souffrance incessante en a fait une boule de haine. Il n’a plus qu’une idée en tête, tuer cet homme qui l’utilise comme un simple jouet. Du haut de ses huit ans, Aquilas pense être insoupconnable. C’est donc sans difficulté que jour après jour, il place dans les repas qu’il sert une petite dose d’arsenic. Il le fait avec un plaisir sadique en se disant que chaque nouveau jour de douleur subie enléve un jour de vie à son tortionnaire. Son projet trouve une issue étrange, comme si le destin l’avait entendu et exaucé : alors qu’il se promène dans la rue, un cheval s’emballe et vient piétiner sa victime, le libérant ainsi de ses chaînes.
Aquilas n’en revient pas. La nouvelle que vient de lui apprendre Hermias lui vrille les tripes , aussi bien de peur que de bonheur. Cette sensation l’enivre. Le Grand Pope vient en effet d’annoncer qu’une Guerre Sainte est sur le point de se déclarer. Les étoiles scrutées depuis Star Hill l’ont clairement confirmé. Les sept dernières années dédiées à l’entraînement, son dévouement sans faille à Athéna, vont enfin trouver une récompense. La haine qu’il a gardé au plus profond de son cœur va pouvoir exploser sous une forme noble, effacant ainsi son passé. Le destin lui fait à nouveau un signe bienveillant.
Cela fait désormais trois mois qu’il vit sous le toit de son nouveau maître. Celui-ci étant le seul neveu encore vivant, il a tout hérité d’Anecte, esclaves compris. Contrairement à ce dernier, Hermias est bienveillant et c’est donc une vie douce et paisible, même oisive, qui est désormais son quotidien. Aujourd’hui, Hermias lui a réservé une surprise. Il va en effet pour la première fois l’emmener avec lui sur le lieu où il entraîne les apprentis-chevaliers, Hermias n’étant autre qu’un des chevaliers de la Déesse Athéna.